
Le président français, Emmanuel Macron a annoncé le jeudi 10 juin 2021, lors d'une conférence de presse, la fin de l'opération Barkhane en tant qu'opération extérieure. Sur les cendres de l'opération Serval lancée le 11 janvier 2013 pour stopper la progression des groupes rebelles armés du nord vers la capitale du Mali et soutenir les troupes maliennes, Barkhane a été lancée 1er août 2014.
En référence aux dunes de sable en forme de croissant dont est tapis le désert du Sahel l'opération Barkhane démarre avec la collaboration des pays Saheliens ( Niger, Burkina Faso, Mali, Mauritanie et Tchad) avec 3.000 soldats français engagés sur le terrain pour faire du contre-terrorisme. Huit ans plus tard, Barkhane, c'est 5.100 soldats français toujours engagés au Sahel mais avec un bilan très incertain, ni victoire, ni échec formel.
En effet, plus de 2 100 civils ont été tués dans le Sahel, un chiffre qui a quintuplé depuis 2017 selon l’ONG Acled. Les groupes djihadistes ont malgré cette puissance de feu, étendu leur emprise au Sahel. Le récent massacre de Solhan avec 132 victimes en est une illustration parfaite. A cela s'ajoute la progression de l'insécurité au Mali vers le centre du pays et le sud. Mais aussi, une sorte d'extension vers les pays côtiers avec des attaques enregistrées en Côte d'Ivoire et au Bénin. Depuis lors, le bien fondé de la poursuite de cette opération ne cessait d'être remis en cause aussi bien par les Sahéliens que les Français eux-mêmes.
Ainsi, l'annonce du retrait des troupes françaises au Sahel s'apparentait peu a peu à un secret de polichinelle. « On ne peut pas souffrir l’ambiguïté. On ne peut pas mener des opérations conjointes avec des pouvoirs qui décident de discuter avec des groupes qui, à côté de cela, tirent sur nos enfants. Pas de dialogue et de compromission », avait martelé Jupiter en annonçant la suspension à titre conservatoire de ses opérations militaires conjointes avec le Mali le 3 juin dernier, suite au deuxième putsch d'Assimi Goïta.
Économiquement, Barkhane coûtait de plus en plus cher à la France.
Barkhane était sans doute motivée au départ par la crainte pour la France de perdre son pré-carré au profit de régimes autoritaires si le Sahel venait à tomber dans le chaos ou encore de voir les attaques se déporter sur le territoire français en cas d'échec des forces sahéliennes à contenir la menace terroriste. Aussi probablement consciente du fait, que la vague migratoire que connait l'Europe trouve ses sources dans l'instabilité que vivent ces pays du Sahel.
Mais, force est de constater que Barkhane apparaissait de plus en plus comme un boulet au pied de la France. En diplomatie, on aime à dire, que «les États n'ont pas d'amis, ils n'ont que des intérêts». Et des intérêts, la France semblait en avoir peu depuis, avec le maintien de l'opération Barkhane sous sa forme actuelle. Au contraire, elle risquait même de s'enliser dans une guerre sans fin, qui épuise les crédits militaires et les soldats à l'image du scénario à l'afghane des troupes américaines qui ont elles aussi annoncé leur départ de l'Afghanistan.
Économiquement, Barkhane coûtait de plus en plus cher à la France On estime que Barkhane coûte environ un milliard d’euros par an. Avec un dispositif de 5 100 hommes, 7 avions de chasse, 20 hélicoptères, 3 drones, sans compter les quelque 500 véhicules blindés et 400 véhicules nécessaires à la logistique.
Ce sentiment antiprésence française qui monte de plus en plus et qui vexe l'opinion publique française
Sans compter, la gestion des bases militaires implantées au Sahel. Ce sont, trois points d’appui permanents à N’Djamena au Tchad, à Niamey au Niger et à Gao au Mali. Tout cela, complétés par huit bases avancées déployées dans les zones plus reculées du Sahel.
De quoi, faire grincer les dents du contribuable français quand on se souvient des revendications portées par les gilets jaunes qui ont secoué l'hexagone. Outre l'aspect économique, il y a l'image de ces cercueils des militaires français tombés au front dans le Sahel dont garde encore en mémoire les Français avec le sentiment que leurs enfants partent mourir dans une guerre qui ne les concernent pas.
Doublé à cela, il y a les échéances électorales françaises en 2022 et Macron a intérêt à affûter ses armes pour séduire l'électorat s'il compte rebelotter à la présidentielle. Toute chose qui passe par s'occuper plus des problèmes des français que ceux de l'Afrique. Sans oublier, ce sentiment antiprésence française qui monte de plus en plus, que ce soit au Mali, au Tchad ou dans les autres pays du G5 Sahel et qui vexe l'opinion publique française.
Il pourrait y avoir également dans ce désamour de la France du Sahel, le fait de ne pas vouloir écorcher son image en donnant l'impression de collaborer avec des pays sous régime militaire avec les situations actuelles au Mali et au Tchad. Aussi, de se désengager d'éventuelles négociations des pays concernés avec les groupes djihadistes comme cela semble de plus en plus se profiler à l'horizon.
Les Sahéliens doivent donc se réveiller de leur torpeur, se retrousser les manches et assumer leur indépendance, s'ils veulent continuer à être au rendez-vous de l'histoire.
Par ailleurs, les Etats sahéliens ne pourront plus se cacher derrière la France pour justifier leur incompétence face aux terroristes. « Le rôle de la France n'est pas de se substituer à perpétuité aux États », l'a d'ailleurs souligné Emmanuel Macron lors de son annonce.
Leur destin en main, les Sahéliens doivent donc se réveiller de leur torpeur, se retrousser les manches et assumer leur indépendance, s'ils veulent continuer à être au rendez-vous de l'histoire.
Toutefois, il faut le relever, Emmanuel Macron n'a pas annoncé un départ définitif et complet de la France du Sahel. Prévu de manière progressif selon plusieurs spécialistes, début 2022 pourrait aboutir à la fermeture de certaines bases françaises. Ensuite, une baisse de 30 % des effectifs, soit environ 3 500 hommes.
Cependant la présence française va se maintenir à travers la coopération avec les partenaires locaux. «Nous amorcerons une transformation profonde de notre présence», a laissé entendre à ce propos le patron de l'Élysée. Et la forme la plus probable, c'est la formation des armées avec l'EUTM, pilotée par l'Union européenne. Mais surtout sa présence avec la force «Takuba» réunissant plusieurs autres pays européens et dont la mission est de former et d'accompagner au combat les armées locales dans la lutte contre le terrorisme.
Image illustrative
Zoodyinga
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