Comme il fallait s’y attendre, le Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie (CNSP), a vivement riposté, ce vendredi dans un communiqué, aux propos tenus lundi dernier par le président français sur la situation politique qui prévaut dans le pays. Après avoir dénoncé « les propos paternalistes » tenus par Emmanuel Macron, dont « l’aveu prouve, si besoin est, que le régime défunt était bien au service d'agendas étrangers au détriment des intérêts du Niger », les nouvelles autorités militaires nigériennes ont réaffirmé leur « engagement pour la souveraineté » du pays.
C’est la réponse du berger à la bergère que beaucoup au Niger et au-delà, attendaient depuis quelques jours : la réponse des autorités nigériennes à la dernière sortie médiatique d’Emmanuel Macron sur la situation politique qui prévaut au Niger et que d’aucuns ont considéré comme un véritable « affront » au regard du contenu du message mais aussi de ce que pense le président français des évènements en cours dans le pays.
Dans un communiqué publié ce vendredi, le CNSP, dit avoir suivi « avec consternation », les propos tenus le lundi 28 août 2023 par le Président de la République Française à l'occasion de son adresse aux Ambassadrices et Ambassadeurs de France. « Ces propos constituant une ingérence supplémentaire flagrante dans les affaires intérieures du Niger, le Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie (CNSP) et le gouvernement tiennent à faire les observations selon lesquelles les propos du président français visent à infantiliser les Chefs d'Etat africains en agitant, sans aucune prise en compte des différences entre les contextes nationaux, la psychose d'un risque régional de contagion de putschs militaires », indique le communiqué dans lequel la junte accuse Emmanuel Macron de tenter « d’apeurer » les membres du CNSP et du gouvernement de transition mais aussi, « d’instrumentaliser la CEDEAO pour les obliger à adhérer au projet néocolonialiste d'un autre âge d'invasion du Niger ».
Pour le CNSP, « ces propos visent également à fabriquer une division ethnique artificielle pour opposer les Nigériens les uns aux autres et créer les conditions d'un conflit interethnique ; à l'instar de ce qui s'est passé dans certains pays africains et qui a été provoqué par ce genre de manipulations ». Une riposte directe aux déclarations de Macron qui s’est référé à l’appartenance du président Bazoum Mohamed, à « une minorité ethnique »
Dans le même communiqué, la junte militaire a également tenu à fustiger l’accusation du président français qui a affirmé que les militaires ont abandonné la lutte contre le terrorisme pour les privilèges du pouvoir à Niamey. « Nos Forces de Défense et de Sécurité sont plus que jamais engagées à poursuivre leur lutte acharnée contre les forces terroristes, d'ailleurs soutenues par la France qui prétendait jusqu'ici nous aider dans cette lutte », affirme la junte dans son communiqué.
Selon la junte, ces propos du Président français visent à « perpétuer à tout prix les relations patron-client, maître-sujet auxquelles le régime défunt a assujetti le Niger par rapport à la France ». Et de poursuivre que le président Macron n'hésite même pas à présenter les anciennes autorités à la face du monde comme ses marionnettes en justifiant le soutien qu'il leur apporte par leur « engagement à l'international sur tous les agendas qui sont ceux de la France ».
« Cet aveu prouve, si besoin est, que le régime défunt était bien au service d'agendas étrangers au détriment des intérêts du Niger », ont poursuivi les autorités nigériennes pour qui « ni les Africains, ni le peuple Nigérien, ni même le peuple Français ne sont dupes ». En effet, poursuit la même source, « les propos de Monsieur Macron et ses incessants efforts en faveur d'une invasion du Niger visent à perpétuer une emprise néocoloniale sur le peuple Nigérien qui ne demande rien d'autre que de décider désormais par lui-même de son destin », car pour le CNSP, « ces propos, inattendus de la part d'un chef d'État, n'apportent rien à la recherche de solutions rationnelles au différend qui nous oppose ».
Dans le communiqué, le CNSP et le gouvernement de la République du Niger ont saisi l’occasion pour réaffirmer que, du reste, « ce différend ne porte ni sur les rapports entre nos peuples, ni sur les individus, mais sur la pertinence de la présence militaire française au Niger et l'établissement de relations respectueuses et mutuellement bénéfiques dont les autorités nigériennes, soutenues par le peuple, ont fait un principe désormais cardinal de leurs relations internationales ». Et, conclu le communiqué, « forts du soutien du peuple Nigérien, seul juge de leur légitimité », le Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie (CNSP) et le Gouvernement ont annoncé être « résolus à s'opposer à tout paternalisme et à tout interventionnisme d'une époque à jamais révolue et entendent œuvrer pour l'établissement d'un ordre nouveau gagnant-gagnant et respectueux de la dignité de tous les peuples et de la souveraineté de tous les Etats ».
Joutes épistolaires sur fonds de tensions diplomatiques
Pour rappel, dans un message, le lundi 28 aout, lors de la conférence annuelle des ambassadeurs et ambassadrices à l’Elysée, le Président français avait critiqué « le narratif utilisé par les putschistes qui consisterait à dire que notre ennemi, c’est la France ». Pour le président français, « le problème des nigériens, c’est des putschistes qui les mettent en danger parce qu’ils abandonnent la lutte contre le terrorisme, parce qu’ils abandonnent une politique qui était bonne économiquement pour eux, et qu’ils sont en train de perdre tous les financements internationaux qui étaient en train de leur permettre de sortir de la pauvreté ». Et d’ajouter que la politique de son pays est simple : « on ne reconnait pas les putschistes, on soutient un président qui n’a pas démissionné et nous soutenons l’action diplomatique et quand elle le décidera, militaire, de la Cédéao ». Emmanuel Macron qui s’est même défendu de « paternalisme » de la France a aussi estimé que « la faiblesse que d’aucuns ont montré à l’égard des putschs précédents a nourri des vocations régionales. Il y a une épidémie de putschs dans tout le Sahel ».
Des propos intervenus en pleine dégradation des tensions diplomatiques entre Paris et Niamey avec, dernier épisode en date, l’ordre d’expulsion de l’Ambassadeur de France au Niger en plus de la dénonciation des accords de coopération en matière de défense et de sécurité entre les deux pays.
A.Y.Barma (actuniger.com)
- Log in to post comments