Conte moaaga : l’héritage caché dans les rencontres

Submitted by Redaction on
Image
Conte Mossi

Le 24 février 2024, à la plateforme de l’Académie Royale Kéoogo de Busma (ARK-B), le jeune Harouna Soulga a partagé avec les enfants et les plus âgés un conte plein d’enseignements. Il s’agit d’une aventure initiatique d’un orphelin dont le père en mourant lui a laissé des dettes à recouvrer. Il ne s’agissait pas d’argent à récupérer mais de leçons de vie à découvrir. 

Un père sentant sa fin fit comprendre à son fils unique qu’il ne lui laisse pas d’héritage matériel. Il lui fit savoir que sa fortune est détenue par des personnages qui sont ses créanciers. Après le décès du père, le fils entreprit son voyage initiatique à la rencontre des créanciers de son père. Ils étaient au nombre de cinq. 

Le premier personnage qu’il rencontra fut le serpent. Il avoua qu’il était le premier créancier de son père. La dette à rembourser consistait à lui enseigner « la maîtrise de sa bouche ». Cela lui permettra de vivre longtemps. Il prit l’exemple sur l’espace des serpents qui dépend du contrôle de la bouche. En effet, le serpent qui par manque de maîtrise mordait une personne risquait de voir sa génération s’éteindre. 

En poursuivant sa route après les enseignements reçus du serpent, l’orphelin rencontra le second créancier. C’était le pique-bœuf. Il conseilla à l’enfant d’avoir toujours un mentor ou un protecteur. Il prit l’exemple sur lui-même qui trouva un protecteur à travers les bœufs. Cela lui permet de vivre dans l’abondance et dans la satisfaction en toute sécurité. 

Une fois l’enseignement du pique-bœuf compris, l’orphelin alla à la recherche du troisième créancier. Sur son chemin, il rencontra le roi de la brousse. Le lion lui enseigna l’humilité même lorsqu’il sera dans une situation de force et de puissance. Dans la sagesse du terroir, il est souvent rappelé que celui qui a la force est aussi la personne qui est capable de pardonner les fautes des autres. Cela justifie l’importance de l’humilité comme vertu pour un bon vivre-ensemble. 

L’enfant remercia le lion et partit à la recherche du quatrième créancier. Il ne tarda pas à le rencontrer. C’était le caïman. Celui-ci, vivant de ce que la marre lui offre, fit comprendre à l’orphelin qu’il devait à tout prix « contrôler son ventre ». Il devait bannir de sa vie l’avidité. S’il aspire à la réussite, il devait également « contrôler son bas-ventre ». L’enfant se souvint d’un homme sage qui aimait répéter que « si tu as la chance avec les femmes, tu as la chance avec la perte ». En d’autres termes, lorsqu’un homme réussit à se faire aimer par plusieurs femmes, il y a des risques d’échec dans sa vie. 

Espérant avoir eu suffisamment d’enseignements pour mieux réussir sur la terre des hommes, l’enfant quitta le caïman pour rencontrer le dernier créancier. Ce personnage n’était pas un animal comme les quatre premiers. C’était une colline. Malgré sa taille immense, il invita l’orphelin à l’avaler. L’enfant crut à l’impossibilité de relever le défi. La colline invita l’orphelin à fermer les yeux. Pendant ce temps, elle se transforma en grain de sable et l’enfant l’avala. Par cette expérience, l’enfant comprit que malgré la taille d’un problème, il y a toujours une solution. Cependant, il faut accepter endurer la souffrance et surmonter les épreuves pour accéder au succès et même au bonheur. Il faut faire face à la douleur pour vivre la joie. 

Après le recouvrement des dettes de son père auprès des cinq créanciers, l’enfant comprit que le plus important héritage se résume à des conseils pour la vie. Ces enseignements montrent l’importance des ressources intellectuelles, relationnelles et spirituelles. 

Ce conte est une belle leçon de vie. Il constitue un excellent outil de coaching et une belle philosophie de changement qui défie l’espace et le temps. 

A travers les contes, les devinettes, les proverbes et les récits historiques, l’Académie Royale Kéoogo de Busma (ARK-B) se veut un espace d’éducation holistique au service de la paix et de la prospérité. A la séance du 24 février 2024, il y avait en plus des enfants du royaume, plus de deux cents étudiants de la troisième année de Licence de sociologie de l’Université Joseph Ki-Zerbo en voyage d’études à l’ARK-B. Cette école traditionnelle est non seulement ouverte aux jeunes et aux adultes mais aussi à des participants et à des conteurs étrangers au royaume.

Busm Kéoog-naaba Koobo (Historien) 

Les trois dernières publications