Cultures africaines : l’hospitalité, une valeur cardinale des Moosé de Busma

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Buusma

Accueillir, une vertu pour une vie agréable en société. La bienveillance et la courtoise se traduisent par le bon accueil. Les sociétés traditionnelles ont toujours accordé une place de premier plan à l’étranger. L’hospitalité est une valeur importante de la royauté moaaga de Busma. Il s’agit d’un indicateur permanent de vivre-ensemble harmonieux, d’une paix sociale durable. 

Les Moosé de Busma utilisent deux vocables pour exprimer cette réalité : « sãando » et « gããsobendo ». Le sãando est l’état d’être hôte, le fait de bénéficier de l’hospitalité. Sãana désigne l’hôte de passage, l’étranger. Le gããsobendo renvoie à l’idée de deux personnes qui partagent la même maison, la même natte dans le contexte de l’hospitalité. Ce terme évoque le partage, l’intimité, l’amitié.

Il existe également le mot « noãknga » qui vient du mot nokré (demander protection, se soumettre, se réfugier). Le noãknga signifie l’étranger-résident, le protégéserviteur d’une famille. Il s’agit d’un jeune homme venu d’une autre contrée à la recherche d’une famille d’adoption, d’une protection contre ses services. Il est le plus souvent récompensé par le don d’une femme à la fin de son séjour qui dure plusieurs années. Le fait de recevoir une femme renforce les relations entre les deux familles, et même des deux villages ou royaumes, et élargit l’univers de communication. Ainsi, ce noãknga devient un confident du village ou du royaume hôte dans lequel il a passé une bonne partie de sa vie et qui devient sa deuxième patrie. Il est un potentiel médiateur en cas de conflit entre les deux parties.

Le Moaaga a obligation d’être hospitalier avec l’étranger qui “ descend ” chez lui et devient son hôte, son protégé durant son séjour. Ce devoir d’hospitalité est bien souligné dans la devise du kombéré de Piibaoré : « Piig baoor n mong poag n kõ sãana » (Puiser les dernières graines du grenier pour nourrir l’étranger tout en acceptant dormir avec le ventre creux), ce qui signifie se priver au profit de l’hôte qui demande un abri.

Le premier symbole de l’hospitalité dans le riungu de Busma est le “zom kom”, l’eau blanche de la farine servie à l’étranger de passage. La couleur blanche est l’expression de la sincérité et de la pureté. Le sage de Bandiagara relève que dans l’Afrique de la savane, l’hospitalité est la chose la mieux partagée. L’étranger est perçu comme un potentiel prophète et bénéficie partout d’un accueil jovial et digne. Le maître de maison lui réserve la meilleure chambre, le meilleur lit et les meilleurs morceaux de viande. Il y a des cas où le chef de famille ou le fils aîné lui abandonne sa propre chambre pour aller dormir sur une natte dans le vestibule ou dans la cour. « En échange, l’étranger de passage venait enrichir les veillées en racontant les chroniques historiques de son pays ou en relatant les événements rencontrés au cours de ses pérégrinations ». L’Africain de la savane est un grand voyageur ; ce qui permet un échange permanent de connaissances de région à région.

Avec peu de moyens, et la coutume des « maisons ouvertes » aidant, l’aventurier peut circuler à travers toute la région. Il en est de même dans le riungu de Busma où tout villageois se sent honoré par la présence d’un hôte et met tout son honneur en jeu pour le recevoir462. Tout étranger doit se rendre chez un dignitaire de la cour royale qui l’introduit auprès du rima. Il livre au souverain l’objet de sa visite et retourne séjourner chez son hôte en attendant la décision du pãngsoaba.

L’hôte engage une causerie avec l’étranger en lui demandant : « La yãmb s n yi rãmba ? » qui correspond littéralement à : « Et vous où venez ceux ? » qui peut être traduite par : « Comment vont les gens d’où vous venez ? ». De là part une recherche implicite d’informations sur des contrées lointaines. Elliot P. SKINNER rapporte que les Moosé invitent tout chef de famille à surveiller les actes de l’étranger et de faire un compte rendu sur ses observations et sur son comportement aux autorités politiques.

L’hospitalité se présente comme un lieu de partage, « une structure fondamentale par laquelle le milieu ancestral définit ses relations d’échanges et de communion internes et externes ».

Un étranger, selon la régularité de ses visites, la quantité et la qualité de ses gestes (cadeaux) à l’endroit du roi peut être récompensé par une fille en mariage. Cet ultime geste, ce « kuun s n bédm » (un don suprême) est élevé au rang de bienfait, de yélsomdé qui établit et conforte les liens de coopération et de communication entre des familles, des villages, des royaumes.

Il est recommandé à l’étranger d’être discret et de ne pas s’immiscer dans les affaires de ses hôtes.

Les deux proverbes suivants mettent en lumière ce discernement et cette discrétion dont doit faire preuve l’étranger : « Sãan suug ka be noor yé » qui correspond littéralement à : « Etranger couteau n’a pas bouche » qui signifie : « Le couteau de l’étranger n’a pas de tranchant » ; il ne doit pas se mêler des affaires du village hôte.

« Sãan noor kaada z edo a ka kaad yèel yé » qui correspond littéralement à : « Etranger bouche ramasse sauce elle pas ramasse histoires » qui veut dire : « La bouche de l’étranger prend beaucoup de sauce, mais pas beaucoup d’histoires ». Il est permis à l’étranger de manger comme il veut, mais il lui est interdit de commenter ou critiquer seshôtes. Contre les sollicitudes de ceux qui lui ont accordé l’hospitalité, l’étranger doit répondre par une générosité évidente. Cela détermine la qualité de son séjour. A ce propos, la sagesse populaire indique que : « Sãan sõng yaa yir-soab yèsba » qui correspond littéralement à : « Etranger bon est propriétaire maison oncle » qui peut être traduite par« Le bon étranger est l’oncle du propriétaire de la maison » et l’artiste chanteur Bérenger OUEDRAOGO d’ajouter : « f sã n kis koabga, f rita pis-nu ! » qui correspond littéralement à : « Tu si donnes cent, tu manges cinquante » qui veut dire : « Si tu donnes cinq cents francs, tu manges deux cents cinquante francs ». Cela veut dire que c’est le geste de l’étranger qui détermine le goût de sa sauce. Beaucoup d’anecdotes traitent du mauvais comportement d’étrangers qui leur a causé des ennuis.

Un jour, un homme reçoit un étranger. Avant le repas du soir, l’hôte demande du tabac à celui-ci qui répond : « Il ne me reste plus beaucoup de tabac et je voudrais le prendre après le repas ». Ayant constaté la mauvaise volonté du nouveau venu, le maître de maison rentre dans sa maison pour manger en cachette avec sa femme. Il revient poursuivre la causerie. Tard dans la nuit, l’étranger sent une faim intense. Ne pouvant pas tenir, il dit au chef de famille : « Mon hôte, prenez le tabac ». Et celui-ci de répliquer :

« Non, laissez, dès que vous aurez mangé, vous le chiquerez ». L’étranger attendit en vain le repas, qui comme Godo, ne viendra jamais.

Un autre étranger, descendu chez son hôte en colère contre son épouse et ne sachant pas où la frapper finit par soupirer : « Si ce n’est pas parce que tu es enceinte, je t’apporterai une correction corporelle digne de ton forfait ». A ce moment le voyageur intervient : « Mon hôte, son état ne gène en rien, il faut lui donner des coups aux genoux ».

L’hôte exécute sur-le-champ ses conseils. Quand le moment du repas arrive, la femme apporte un grand plat de tô au nouveau venu. Il plonge la main et rencontre un gros caillou après la légère couche de tô. Il interpelle le maître de maison en ces termes : « Mon hôte,votre épouse m’a servi un gros caillou » et celui-ci de répliquer : « Ma préférence serait qu’elle te serve une montagne ». 

Busm Kéoog-naaba Koobo (Historien) 

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