Devant le Tribunal : une affaire de sorcellerie familiale examinée

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Devant le Tribunal

Le vendredi 25 avril 2025, S. Mathieu, S. Bernard, S. Alexis tous frères ainsi que Z. Justine ont comparu devant la chambre correctionnelle du Tribunal de grande instance Ouaga 1 pour répondre des faits d’accusation de pratique de sorcellerie et de mauvais traitements portant atteinte à l’honneur de C. Véronique. S. Mathieu et S. Bernard, qui se sont présentés à l’audience, ont nié les accusations portées contre eux.

 

À la barre, les prévenus ont expliqué que courant 2023, suite à la maladie de Z. Justine, épouse de S. Mathieu, S. Alexis a informé la famille qu’il avait entendu parler d’une « hadja », guérisseuse à Boussé, qui pouvait soigner sa belle-sœur. Toutefois, il fallait que toutes les femmes de la famille prennent part à la séance. C’est ainsi que, sur instruction de leur père, ils se sont rendus à la séance en compagnie des dames de la famille.

 

Dans sa déposition, S. Mathieu a déclaré que, sur les lieux, « la hadja » a affirmé qu’elle ne voulait pas de sorcières dans sa cour. À la suite de cela, seule C. Véronique, épouse de S. Bernard, n’a pas pu accéder à la cour, parmi toutes les femmes présentes ce jour-là. Selon S. Mathieu, lorsque la « hadja » a commencé la prière, Z. Justine est tombée et s’est mise à crier, appelant le nom de C. Véronique, lui demandant ce qu’elle lui avait fait pour vouloir la tuer, tout en la suppliant de faire pardon et de ne pas la tuer.

 

À en croire S. Mathieu, de retour à la maison, un compte rendu a été fait à leur père. C’est ainsi qu’après une réunion, la famille a déclaré qu’elle ne voulait pas de sorcière dans la famille. Sur ce, C. Véronique a été sommée de quitter son foyer, au risque d’être prise à partie, malgré que leur père ait demandé de laisser tomber l’affaire.

 

« Et c’est qui la sorcière ? », a demandé le Tribunal. S. Mathieu a répondu qu’il ne le savait pas, mais pensait que la décision avait été prise en relation avec ce qui s’était passé lors de la prière.

 

« En vertu de quoi l’avez-vous renvoyée de la cour ? », a poursuivi le Tribunal. À cela, Bernard, mari de la victime, a répondu que c’était une décision familiale, tout en précisant qu’il était totalement découragé par cette décision.

 

« Donc vous avez estimé que c’était elle la sorcière ? Une sorcière fait quoi ? », a encore demandé le Tribunal. Le prévenu S. Mathieu a insisté que ce n’était pas cela et qu’il ne savait pas ce que faisait une sorcière.

 

« Pourtant vous avez dit qu’elle était sorcière ? Donc vous l’avez chassée de la cour, comme ça ? », a insisté le Tribunal. Le prévenu S. Mathieu a répondu que c’était la famille qui avait dit qu’elle ne voulait pas de sorcière chez elle. Il pense que la décision a été prise en fonction de ce qui s’est produit à la prière. Il a assuré que des démarches ont été entreprises pour que la victime regagne son foyer, et il espère que ce sera le cas après le procès.

 

S. Bernard a confié que l’accusation de sorcellerie portée contre sa femme l’avait surpris. Le Tribunal lui a alors demandé ce qu’il avait fait pour s’opposer à la décision de sa famille de répudier C. Véronique. Il a répondu qu’il n’était pas d’accord.

« On chasse votre femme pour sorcellerie et vous ne dites rien ? », a fait remarquer le Tribunal. « Vraiment, c’est compliqué, étant donné que nous sommes d’une même mère. En plus, si elle ne partait pas, on allait la frapper », a lâché S. Bernard.

 

« Une femme avec qui vous avez eu cinq enfants, et vous n’êtes pas capable de la défendre ? », a encore observé le Tribunal. « Je n’ai pas de cour, je vis dans la cour du vieux », a répondu S. Bernard, d’un air désolé.

 

Dans sa déclaration lors de son audition au parquet, lue à l’audience, S. Alexis avait reconnu les faits. Il a indiqué que la guérisseuse n’avait pas clairement dit que C. Véronique était une sorcière, mais le fait qu’elle n’ait pas eu accès à la cour prouvait, selon lui, qu’elle l’était.

 

À la barre, la victime a donné une autre version des faits. Selon elle, lorsqu’ils sont arrivés chez la « hadja », cette dernière a demandé que les hommes s’alignent d’un côté et les femmes de l’autre. Elle avait également demandé que tous les téléphones soient mis en mode silencieux car la sonnerie perturbait sa concentration. Malheureusement, une vieille femme a oublié cette consigne, et lorsque son téléphone a sonné, la guérisseuse s’est fâchée et a interdit à toutes les femmes l’accès à sa cour, estimant qu’on lui avait manqué de respect.

 

Pour C. Ernest, grand frère du père de C. Véronique venu témoigner, lorsque sa nièce est rentrée en famille, il a appelé S. Bernard. Celui-ci lui a dit que la condition pour que C. Véronique regagne son foyer était qu’elle accepte d’aller se faire « exorciser » chez la « hadja ».

 

Pour le conseil de la partie civile, qui défend les intérêts de la victime, les accusations de pratique de sorcellerie sont de plus en plus fréquentes, ce qui est très préoccupant. Il estime que les faits sont établis, tant au niveau de l’acte matériel constitutif que de l’intention coupable. La partie civile a donc demandé que les prévenus soient déclarés coupables et maintenus dans les liens de la prévention, car la violence subie par la victime lors de son expulsion de son foyer constitue la pire des maltraitances. Pour le préjudice moral et financier, son conseil a réclamé la somme de 5 millions de FCFA, ainsi que 750 000 FCFA au titre des frais exposés non compris dans les dépens.

 

De l’avis du parquet, les faits sont caractérisés. Toutefois, étant donné que S. Bernard a l’obligation de s’occuper de sa famille, le ministère public a requis une peine de 18 mois de prison et une amende d’un million de FCFA, le tout assorti de sursis.

 

Pour sa défense, S. Bernard a demandé pardon au Tribunal et s’est engagé à discuter avec sa belle-famille afin que C. Véronique puisse regagner son foyer.

 

Le verdict est attendu pour le 2 mai 2025.

 

Par Ahmadou SERIGNE|Zoodomail.com


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