Burkina-Cour d'appel de Ouagadougou : le système Tiégnan décortiqué

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Cour d'appel

Le procès en appel dans l’affaire de détournement de plus de trois milliards de francs CFA au ministère de l’Action humanitaire s’est poursuivi ce mardi 4 novembre 2025 à la Cour d’appel de Ouagadougou. Après l’ouverture des débats la veille, les prévenus ont à nouveau défilé à la barre pour se défendre, en présence de leurs avocats. Comme en première instance, ils reconnaissent partiellement les faits qui leur sont reprochés.

 

Tour à tour, les témoins ont ensuite été entendus pour répondre aux questions de la Cour. Pour rappel, dans le dossier Amidou Tiégnan, Pétronille Tarpaga, Salifou Ouédraogo et autres, toutes les parties ont interjeté appel du jugement rendu en première instance. L’affaire est donc en cours d’examen en seconde instance. À l’issue des débats, la Cour pourra soit confirmer, soit infirmer la décision du tribunal, entraînant une révision éventuelle des peines à la hausse ou à la baisse.

 

Le partage du « surplus » sur les frais de manutention

Au cœur des débats de ce mardi, la question posée par le parquet général : « Qui bénéficiait du surplus sur les frais de manutention ? »
« Camille Yaké Yé fait le partage », a répondu Amidou Tiégnan, principal prévenu dans cette affaire. « Il prend sa part, et les autres aussi en bénéficient. »

Selon Tiégnan, certaines fiches de déblocage comprenaient plusieurs chèques de 10 millions FCFA, alors que le besoin réel n’était que de 20 millions. « Les besoins du CONASUR n’excèdent pas 20 millions », a-t-il affirmé, précisant que le surplus pouvait atteindre parfois 20 millions supplémentaires, utilisés selon lui pour financer des activités fictives.

 

Pétronille Tarpaga dans la tourmente

Le procureur général a reproché à la défense de vouloir présenter Pétronille Tarpaga comme une simple exécutante sans influence dans les décisions.
« C’est toute une organisation, et chacun avait sa partition à jouer », a-t-il soutenu.
Et d’ajouter : « Tiégnan vient vous donner un million, vous savez bien que cette somme ne vient pas de sa poche, et vous la prenez. En acceptant donc cet argent, vous avez participé à l’activité délictuelle. »

Mme Tarpaga, arrivée au ministère de l’Action humanitaire en 2010, s’est défendue :
« J’ai demandé à Tiégnan pourquoi il me donnait cet argent. Il m’a simplement répondu que c’était pour moi. Il ne m’a pas expliqué pourquoi. »

Concernant le véhicule de 14 millions FCFA acheté à son nom, les versions divergent.
Amidou Tiégnan affirme que c’est Mme Tarpaga qui l’a sollicitée.
Cette dernière soutient au contraire que c’est Tiégnan qui l’a approchée, lui proposant l’achat pour l’aider à ne plus rester au garage.


Le procureur général a rappelé qu’en première instance, la prévenue avait déclaré que Tiégnan lui aurait offert la voiture « peut-être parce qu’elle était veuve », propos que son avocat a jugé mal interprété.

 

Camille Yé se défend

Pour sa part, Camille Yé, alors directeur de la gestion des finances du ministère, a reconnu avoir constaté de nombreuses sorties d’argent sur le compte géré par Tiégnan, tout en affirmant avoir ignoré certaines pratiques.
Selon lui, Tiégnan aurait même imité sa signature sur des chèques.
« C’est absurde que je permette à quelqu’un d’imiter ma signature pour toucher des fonds que je pourrais ensuite utiliser », a-t-il déclaré, niant toute participation à un détournement.

Interpellé par le président de la chambre sur son absence de réaction face aux irrégularités, M. Yé a indiqué avoir déjà alerté et adressé une note à son collaborateur. Il a expliqué que le rapport d’audit de l’ASCE-LC ne recommandait pas le remplacement de Tiégnan, bien qu’il ait envisagé de le faire.

 

Les autres prévenus devant la Cour

Le cas de Salifou Ouédraogo, poursuivi pour faux et usage de faux en écriture publique, a également été abordé. Il lui est reproché d’avoir monté de fausses opérations de manutention, de chargement et de déchargement de vivres destinés aux déplacés internes afin de détourner des fonds publics.
L’intéressé a nié l’existence d’activités fictives, tout en reconnaissant avoir « parfois gonflé les montants pour en tirer un surplus ».


L’audience de ce mardi a été suspendue et reprendra, mercredi 5 novembre 2025, avec la constitution des parties civiles et la poursuite des débats sur les aspects financiers de l’appel.

 

Zaïre Sanffo|Zoodomail.com

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