
Le vendredi 8 novembre 2024, O. Issaka alias Kosa Pic, artiste-chanteur, et Z. W. Irénée, producteur et réalisateur du clip de l’artiste, ont comparu devant le Tribunal de grande instance de Ouaga 1. Ils étaient poursuivis respectivement pour outrage public à la pudeur et complicité d’outrage public à la pudeur. Si Kosa Pic a reconnu les faits à la barre, ce n’est pas le cas de son producteur, qui a nié les accusations portées contre lui.
Tout commence en septembre 2024, lorsque l’artiste Kosa Pic publie sur YouTube le clip de son nouveau single. Très vite, la vidéo provoque un tollé général, choquant une partie du public par des scènes jugées très suggestives, voire proches de la pornographie. Tandis que certains estiment que l’artiste est allé trop loin avec des images « peu catholiques », d’autres demandent tout simplement la censure du clip.
Le Conseil supérieur de la communication (CSC) intervient alors, mettant en demeure l’artiste et l’enjoignant de retirer la vidéo. La gendarmerie est saisie du dossier, et Kosa Pic ainsi que son réalisateur sont interpellés puis placés à la Maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou (MACO). Le procureur s’étant autosaisi de l’affaire, le ministère public estime que le clip contient des scènes obscènes, des propos dégradants et que les figurantes apparaissent dans des tenues légères, voire presque nues.
« Les filles dans le clip étaient décemment habillées », selon l’artiste
À la barre, Kosa Pic reconnaît les faits sans détour. Il admet avoir « été trop loin » dans sa démarche artistique, tout en se justifiant : selon lui, beaucoup d’artistes burkinabè s’inspirent des clips étrangers, notamment ceux venus des États-Unis, où les danseuses apparaissent souvent en sous-vêtements. Il affirme que son public réclame ce type de contenus. Il cite en exemple certains clips de Kayawoto, artiste local dont il s’est inspiré. À sa décharge, Kosa Pic soutient que les filles présentes dans son clip étaient « décemment habillées » et n’étaient en aucun cas nues, comme certains l’ont affirmé. Il ajoute qu’il avait par la suite ajouté sur la vidéo la mention « Interdit aux moins de 18 ans ».
Pour sa part, Z. W. Irénée, le réalisateur, explique qu’il a rencontré de nombreuses difficultés durant le tournage. Il affirme que l’artiste était ivre et souhaitait imposer des scènes trop osées. Ne pouvant accepter cela, il aurait suspendu le tournage. Il raconte avoir envisagé de supprimer certaines scènes au montage, mais que cela était difficile à réaliser. Finalement, il dit s’être retiré du projet et avoir remis les rushes (les vidéos brutes du tournage) à l’artiste.
Une version contestée par Kosa Pic, qui nie avoir été ivre et affirme que toutes les figurantes étaient consentantes. Il soutient que c’est plutôt le réalisateur qui dictait aux filles leurs mouvements. Il ajoute que leur altercation n’était pas liée au contenu du clip, mais à des perturbations causées par des amis du réalisateur pendant le tournage. Selon lui, c’est cette situation qui a entraîné leur différend. Il précise que les tensions sont survenues à la fin du tournage, lorsque Z. W. Irénée a refusé de lui remettre les rushes sans contrepartie financière. Finalement, il lui aurait versé 50 000 FCFA pour obtenir les vidéos, qu’il a ensuite confiées à un autre monteur avant de publier le clip sur YouTube. Le réalisateur, quant à lui, conteste cette version.
« Le clip comporte des scènes obscènes et des paroles attentatoires à la pudeur », selon le procureur
Le ministère public a tenu à rappeler que la dispute entre l’artiste et son réalisateur ne porte pas sur le contenu du clip, comme Z. W. Irénée tente de le faire croire. Le procureur indique qu’il ressort des enquêtes préliminaires que ce sont les amis du réalisateur qui ont perturbé le tournage, provoquant la colère de l’artiste. Ce dernier s’est ensuite vu réclamer de l’argent pour obtenir les rushes. Pour le parquet, les faits sont clairs : Z. W. Irénée est bien le réalisateur du clip, et Kosa Pic est celui qui l’a publié sur YouTube. Le procureur souligne que le clip contient « des scènes obscènes et des paroles attentatoires à la pudeur, offensant des témoins involontaires ». Il rappelle que les œuvres diffusées au Burkina Faso doivent respecter les lois et les valeurs locales. Ce qui est toléré ailleurs ne l’est pas nécessairement ici.
Dans ses réquisitions, le parquet a demandé au Tribunal de condamner Kosa Pic à 12 mois de prison assortis de sursis et à 500 000 FCFA d’amende pour outrage public à la pudeur. Contre Z. W. Irénée, poursuivi pour complicité, le ministère public a requis 6 mois de prison avec sursis et 500 000 FCFA d’amende.
« On ne force personne à aller sur YouTube », plaide l’avocat de Kosa Pic
L’avocat de la défense de Kosa Pic soutient que l’infraction ne tient pas, selon la définition du Code pénal. Selon lui, l’élément matériel de l’infraction n’est pas constitué. Il insiste sur le fait que « personne n’est obligé d’aller sur YouTube ». En matière de propriété intellectuelle, affirme-t-il, toutes les œuvres artistiques sont protégées de la même manière. Selon lui, plutôt que de poursuivre l’artiste, les autorités auraient simplement dû interdire la diffusion du clip. « On poursuit l’œuvre et non celui qui l’a réalisée », conclut-il.
De son côté, la défense de Z. W. Irénée rappelle que son client est poursuivi pour avoir réalisé la vidéo, alors que l’infraction porte, selon elle, sur la publication d’un contenu attentatoire à la pudeur. L’avocat prend l’exemple d’une personne qui se filmerait chez elle dans une situation indécente, sans pour autant diffuser la vidéo : dans ce cas, il n’y a pas d’infraction tant qu’il n’y a pas de diffusion à un public. Il estime donc que son client, qui n’a pas publié la vidéo, ne saurait être tenu responsable. Il va plus loin en affirmant que Z. W. Irénée est lui-même un « témoin involontaire », puisqu’il a découvert le clip sur internet comme tout le monde.
Pour renforcer son argumentaire, il cite des chansons aux paroles osées d’artistes burkinabè reconnus, comme feu Jean-Claude Bamogo ou Idak Bassavé, qui n’ont jamais été censurées. Il conclut en plaidant la relaxe pure et simple de son client pour infraction non constituée.
Sam S
Zoodomail.com
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