
Le mercredi 27 août 2025, Mme Chantal, ménagère, est poursuivie par la chambre correctionnelle du Tribunal de grande instance de Ouaga I pour des faits d’escroquerie et de blanchiment de capitaux d’un montant de près de 70 millions de F CFA au préjudice de M. Fatao.
Dans les faits, la prévenue Mme Chantal a fait croire à M. Fatao, la victime, à l’aide de vidéos et de photos dans son téléphone portable, qu’elle avait des partenaires à l’étranger qui la financent pour l’achat de vivres à distribuer aux personnes vulnérables. C’est ainsi que M. Fatao a livré 110 tonnes de riz pour un montant de 69 950 000 F CFA courant 2024. Après plusieurs relances, M. Fatao n’a pas pu rentrer en possession de son argent. Mme Chantal demande de la patience, car, selon elle, l’argent viendra de ses partenaires sans problème. C’est ce qui a conduit à son arrestation courant juin 2025.
Dans ses explications, Mme Chantal indique qu’elle mène cette activité depuis longtemps. Elle dit avoir même négocié avec le partenaire pour surfacturer le prix du sac pour ses besoins personnels. Un jour, elle commande du maïs avec un commerçant prénommé Salif qui est venu livrer à minuit. Elle constate le matin que la céréale était avariée et appelle rapidement Salif pour qu’il vienne la récupérer. Malgré l’annulation de la commande et le retour des vivres, Salif la poursuit pour qu’elle paie les vivres retournés parce qu’il les aurait pris avec d’autres commerçants. C’est ainsi qu’elle a contacté M. Fatao pour la commande du riz afin de vendre et rembourser Salif. Elle dit avoir pu vendre et transférer 30 millions à Salif qui la poursuivait et la menaçait. M. Fatao veut aussi récupérer son argent, alors que son partenaire veut vendre sa villa en Belgique et lui donner sa part pour qu’elle puisse acheter les vivres destinés à la distribution aux personnes vulnérables. Son mari réside aux USA et, selon elle, n’est pas au courant de ladite affaire. Cela fait deux ans que les partenaires n’envoient plus d’argent. Elle demande pardon et dit qu’elle fera tout pour rembourser le montant dû à M. Fatao.
« Avez-vous des preuves de vos activités dites de distribution des vivres aux personnes vulnérables, photos, vidéos ? », questionne le tribunal.
« Oui, dans mon portable », a-t-elle répondu.
Son portable est toujours entre les mains de la police, selon son avocat.
« Où se trouve Salif, celui qui vous a livré la céréale avariée ? Est-ce qu’il existe ? », a bien voulu savoir le tribunal.
« Il n’est pas mentionné dans le dossier », poursuit le tribunal.
« Je n’arrive plus à le joindre », a-t-elle répondu.
Appelé à la barre, M. Fatao explique qu’il a été convaincu par les vidéos, les photos, et par le fait que son mari est un pasteur résidant aux USA. Il y aurait des partenaires qui financent l’association dans le cadre de leurs activités de distribution de vivres aux personnes démunies, et le délai de paiement était de deux mois après la livraison. C’est ainsi qu’après le délai, elle a dit que les partenaires allaient venir et qu’il n’y avait pas de problème, mais jusqu’à ce jour, rien n’a été versé.
« Quel était le contenu des vidéos et photos ? », questionne le tribunal.
« Il y a des camions et des remises de vivres », répond-il.
Selon un témoin prénommé Mohamadi, appelé à la barre, il a été contacté par la prévenue parce qu’il est administrateur d’une page Facebook. Il recrute des partenaires via sa page et les met en contact avec les demandeurs. C’est ainsi que des commerçants de céréales ont pu voir l’annonce de demande de vivres publiée par Mme Chantal. Il dit avoir piloté des marchés similaires avec la prévenue, mais même si elle payait, son problème était qu’elle ne respectait pas les délais.
« Connaissez-vous son association ? », questionne le tribunal au témoin, qui a répondu : « Non ».
En réaction aux différentes déclarations, la prévenue a souligné qu’elle n’a jamais parlé de son mari dans le cadre de cette affaire. Il n’est au courant de rien.
« En prenant les vivres de M. Fatao, est-ce pour rembourser le crédit ou pour distribuer ? », a bien voulu savoir le tribunal.
« C’est pour rembourser le crédit et attendre l’argent de mes partenaires », a-t-elle répondu.
Appelé à faire ses plaidoiries, l’avocat de la victime M. Fatao affirme que Mme Chantal a profité de la situation nationale pour mettre en œuvre des mensonges et des manœuvres, en présentant des photos et des vidéos avec des supposés "blancs" pour parvenir à son plan d’escroquerie en utilisant les réseaux sociaux. Son client a livré 110 tonnes, soit un montant de près de 70 millions de F CFA, ce qui caractérise l’infraction d’escroquerie. Elle dit avoir transféré 30 millions à une personne inconnue, donc cela relève aussi du blanchiment d’argent. Nous réclamons le montant principal de 69 950 000 F CFA, 20 millions pour les dommages et intérêts, 20 millions pour le préjudice moral, et 1 million de F CFA pour les frais exposés.
Pour le ministère public, la prévenue a convaincu M. Fatao avec des photos et des vidéos. Si la victime avait su que c’était pour payer des crédits, il n’aurait pas accepté. Elle a utilisé des manœuvres, d’où l’escroquerie. Pour l’infraction de blanchiment de capitaux, elle est aussi caractérisée, car elle a utilisé cette somme à d’autres fins. Qu’elle soit reconnue coupable et condamnée à 36 mois de prison, dont 12 mois fermes, et une amende de 90 millions de F CFA assortie du sursis.
Pour l’avocat de la défense, Mme Chantal doit de l’argent à M. Fatao. Elle doit payer. Elle est constante dans ses explications. Le bienfait n’est pas forcé. Mais comment va-t-elle payer en étant en prison ? Accordez-lui la liberté pour qu’elle puisse honorer ses engagements. En ce qui concerne le blanchiment d’argent, l’infraction n’existe pas. Ce n’est pas cela le blanchiment de capitaux. Mon mémoire portait sur « l’infraction de blanchiment d’argent », ce n’est pas le cas ici.
Dans son verdict, le tribunal a mis fin aux poursuites pour blanchiment de capitaux à l’encontre de Mme Chantal et l’a reconnue coupable des faits d’escroquerie. Elle est condamnée à 24 mois de prison et une amende d’un million de F CFA, le tout assorti du sursis. Elle doit également payer à M. Fatao la somme de 69 950 000 F CFA, 2 millions de F CFA pour le préjudice, et 500 000 F CFA pour les frais exposés. Le tribunal a fixé la contrainte judiciaire à douze mois.

Par Reine Zongo|Zoodomail.com
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