
À l’occasion du troisième anniversaire de son accession au pouvoir, le capitaine Ibrahim Traoré s’est prêté, dimanche 28 septembre 2025, à un exercice inédit : 90 minutes d’échanges directs avec les journalistes sur les antennes de la Radiodiffusion-Télévision du Burkina (RTB). Au menu : sécurité, politique, économie, diplomatie et géopolitique. Sur la question sécuritaire, le chef de l’État a livré un diagnostic sans concessions et des éléments d’explication sur la stratégie qu’il entend poursuivre.
Le président Traoré a reconnu que les résultats n’ont pas été à la hauteur des attentes initiales. « Nous aurions souhaité que la guerre s’achève rapidement », a-t-il déclaré, mais « tout n’a pas été mis en œuvre comme on le souhaitait ». Selon lui, des pressions extérieures et des intérêts opposés y compris de certaines forces étrangères présentes sur le sol burkinabè ont freiné l’action gouvernementale. « Nous avons eu des débats houleux avec des diplomates venus d’ailleurs », a-t-il dit, affirmant que personne ne voulait réellement la fin du conflit.
C’est pour ces raisons, a-t-il ajouté, que son gouvernement a choisi de rompre les relations militaires avec des forces étrangères, citant notamment les présences française et américaine. « Nous nous sommes débarrassés de toutes les forces qui étaient présentes ici… la lutte sera âpre », a-t-il insisté.
Un héritage militaire « catastrophique » et un rééquipement massif
Le chef de l’État a qualifié l’état des forces laissé à son arrivée de « catastrophique ». Il affirme que l’armée manquait cruellement de munitions et d’armes : « moins de 100 000 cartouches de Kalachnikov et à peine une centaine d’armes », selon ses mots. Face à ce constat, le gouvernement a lancé un plan de montée en puissance : rééquiper les troupes, recruter massivement « entre 10 000 et 15 000 hommes » chaque année et intégrer les Volontaires pour la défense de la patrie (VDP).
Le président explique aussi que plusieurs puissances ont refusé de vendre des armes au Burkina, ce qui a poussé le pays à se tourner vers d’autres partenaires. Enfin, il annonce une ambition stratégique : passer d’un modèle d’achat d’équipements à la fabrication nationale d’armement, pour une « souveraineté de l’armement » à moyen terme.
Former pour éviter l’endoctrinement extérieur
Pour bâtir une armée résiliente et autonome, le président a souligné l’importance de la formation nationale. Il a rappelé la création rapide d’une École supérieure militaire, motivée par la volonté de former les soldats selon des valeurs et des objectifs nationaux : « si vous laissez vos forces être formées par d'autres puissances, elles leur mettent ce qu'elles veulent dans la tête », a-t-il averti.
Confiance, détermination et message d’espoir
Malgré les « risques multiples » et les tentatives de déstabilisation en 2025, Ibrahim Traoré affirme ne pas céder à la peur : « Je n’ai pas peur. Parce que j’ai confiance en vous tous. » Il considère la confiance populaire comme une force nationale majeure et estime que la compréhension des enjeux par les soldats renforce leur engagement. Pour lui, la clé de la victoire repose sur l’adaptation face à une menace qui « mue », sur la détermination des hommes et sur une armée résolument tournée vers la victoire. « Nous n’irons nulle part et nous allons gagner cette guerre », a-t-il martelé.
Une allusion mystérieuse : « un albinos noir »
Le président a également tenu une remarque énigmatique : il a prédit que « bientôt, nous parlerons d’un albinos noir », sans en préciser la nature. « Ne me demandez pas de quoi il s'agit, vous comprendrez plus tard », a-t-il conclu, affirmant néanmoins que la guerre finira.
Réforme agraire et responsabilité de l’État
Sur la réforme agraire, le chef de l'État a justifié l’intervention de l’État pour apaiser des divisions communautaires : « Il y a eu beaucoup de problèmes, il fallait que l'État prenne ses responsabilités ». Il a invité à laisser une enquête faire la lumière sur certaines incohérences observées au sein des forces à son arrivée « peut-être des militaires qui étaient au front, sans armes » tout en défendant les mesures entreprises depuis.
En résumé, face à la presse, le capitaine Ibrahim Traoré a dessiné un diagnostic critique de l’héritage reçu, justifié ses choix diplomatiques et militaires, et exposé une stratégie fondée sur le rééquipement, la formation nationale et l’ambition d’une industrie de défense. Il a promis que la fin du conflit reste l’objectif, tout en appelant à la patience face à une lutte qu’il juge longue et difficile.
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